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BD - Dieu en personne

21 Mai 2010 , Rédigé par Renaud Guilbert-Roed Publié dans #Petites pensées ludiques

Dès qu’il s’agit de spiritualité, la voie entre un discours philosophique trop complexe et une pensée réductrice uniquement caricaturale destructrice se fait très délicate. Après de nombreux essais sur le sujet, j’espérais la BD qui permettrait enfin d’apporter une réflexion sur la notion de Dieu constructive, intelligente adaptée au format BD

 

Dans cet album vous trouverez un manifeste sur Dieu. Non pas une bible donnant des prescriptions, mais plutôt une réflexion sur toutes les notions essentielles humaines qui sont liés à ce concept Divin. L’album réussit le tour de force de réunir plusieurs lectures dans son contenu. Au premier degré vous aurez un récit prenant au rythme effréné sur la fabuleuse histoire d’un être pas comme les autres qui deviendra au cœur des problématiques mondiales, phénomène de société. Au second degré vous trouverez un critique acerbe de l’homme dans une société moderne capitaliste au fort droit individuel. Dans une autre lecture vous pourrez la succession de notions qui permettent petit à petit à l’auteur de définir Dieu. L’auteur joue avec les notions occidentales de Droit pour disserter sur certaines notions épineuses sources de tant de divergences suivant les courants religieux. Seront évidemment traitées, le libre arbitre, la responsabilité d’une divinité créative sur sa création, l’infini et tant d’autres sujets essentiels. Mais encore plus fort et là réside à mon sens le génie de l’ouvrage : il ne s’agit pas d’un manifeste sur son existence important peu au final, mais d’une analyse de la réaction humaine face à une éventuelle existence. Le propos rappelle un peu le merveilleux essai de Daniel Sibony : Nom de Dieu : par delà les trois monothéismes

 

Vous verrez donc devant vous la totalité des réactions possibles et leur enchaînement logique depuis le début de la civilisation occidentale jusqu’à aujourd’hui.

 

Tout d’abord l’incrédulité du fait de l’ignorance, il va falloir que Dieu fasse ses preuves évidemment,  l’homme étant si supérieur qu’il aura tendance à placer le différent comme inférieur et donc potentiellement fou  (ou phénomène de foire). Devant une succession trop éclatante de « signes », il ne pourra que voir une lumière, ce qui aura pour effet de sacraliser Dieu en éblouissant l’homme, (volontairement ou pas). Pendant une courte période aura donc lieu l’adhérence au concept. Mais une fois le concept sorti du marginal que l’on peut admirer, va se créer la résistance et le doute inhérents à l’humain. Ce qui convient à un petit nombre sera soumis à la critique du grand nombre. D’un point de vue crédibilité d’abord puis, si elle peut être admise dans le cadre global d’un point de vue ennemi. En effet l’admission d’une entité supérieure à la société va immédiatement engendrer chez nombre de celle-ci la rancœur égoïste de n’être pas puisqu’une entité supérieure existe. De fait à défaut de pouvoir nier son existence, la seule solution pour ce groupe d’individus sera de donner toute responsabilité à l’entité supérieure par le glissement facile du couple Responsabilité/conséquences. Evidemment il ne s’agira pas pour ce groupe d’attribuer les responsabilités positives à cette entité venant perturber leur oligarchie. Or dans une société de Droit de type occidental responsabilité implique dédommagement, l’entité nouvellement lésée par l’arrivée d’un puissance supérieure exigera donc des dédommagements (inutiles tant qu’elle était dominante). Devant ce conflit inextricable du fait des repères différents des parties (comme le montre bien le récit) il faudra trouver un arbitre neutre comprenant les requêtes dans leur essence sans les biais lexicaux ou culturels qu’un concept peut abriter. Là encore le récit trouve cette formidable invention de l’ordinateur somme des cultures mondiale parfait pour établir un dialogue. Je ne voudrai pas gâcher alors ce climax du récit d’un point de vue philosophique, mais la question de la somme des cultures humaines avec son développement à cet individu prétendu Dieu prend une signification très intéressante (même si de fait la réponse définit la notion divine que l’auteur a caché derrière le personnage). A ce stade L’auteur nous définit enfin Dieu. Certes cela avait été dévoilé dès le début avec les deux citations introductives, mais le cheminement se laisse suivre avec plaisir. 

  

La suite du récit dissertera sur cette incapacité humaine de pouvoir accepter dans son ensemble une entité lui étant supérieure, profitant de tout prétexte pour valoriser son œuvre au détriment d’une autre, de niveler son existence sur celle à priori plus haute. La force de la masse devient alors le marteau ultime pour broyer ce qui aurait pu être Dieu. La fin habile pour la critique acerbe de la société de consommation profitant de tout événement pour supprimer le libre arbitre de l’individu en lui laissant le seul rôle du consommateur se fait particulièrement noire et inquiétante. Parait alors bien secondaire la question de l’existence réelle de Dieu.

 

 

Le graphisme dans son fort contraste noir et nuances de marron en fait une bichromie très forte. Beaucoup de noir aux contours savamment travaillés pour un effet brutal du meilleur goût. La structure des cases dégage un fort dynamisme permettant une lecture agréable même au premier niveau de la simple aventure. Le contraste permanent permet de beaux moments graphiques soulignant la pensée sans écraser le texte.

 

Au final voici une réussite unique: unifier philosophie, sociologie et mystique dans un format BD. Certes les thèmes sont classiques dans le domaine, mais parfaitement traités pour ce format, par ailleurs le Dieu présenté n’est effectivement pas stricto-sensu celui d’une des grandes religions, mais il pourrait être celui de nombreuses. En évitant toute polémique stérile tout en montrant le cheminement de l’humain face à la notion de Dieu, l’auteur gagne avec talent le difficile pari initial.

   

Culte : à lire et relire pour en apprécier toutes les finesses.

 

Marc-Antoine-Mathieu-Dieu-en-personne.jpeg

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<br /> Blog(fermaton.over-blog.com).No-8. - THÉORÈME SANDWICH.- La structure de la pensée.<br />
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