Science et Foi ont des relations tumultueuses dans notre civilisation et pourtant y a-t-il un lien entre elles ? Sont-elles ennemies, complémentaires, sans rapport ?

Historiquement l’exemple de l’héliocentrisme est marquant : l’Eglise force Galilée à renier ses démonstrations scientifiques pour sauver une conception admise à ce moment de l’Histoire. Actuellement, les progrès génétiques posent de gros problèmes sur la question sacrée de l’origine de la vie à l’Eglise, aussi bien dans le domaine du contrôle des naissances, que dans celui de la recherche sur les cellules souches. De nos jours, dans certains états du monde on enseigne le créationnisme, qui enseigne la vérité voulu par certains religieux en dépit des théories scientifiques.

Finalement, avec l’avènement du marxisme et de son cousin socialiste au siècle dernier s’est brisé le pilier qui faisait du christianisme une base de valeur référent. En lieu et place d’un système religieux, comme les hommes ont toujours eu besoin de repères, s’est développé un système de valeur athée assez flou de nos jours puisque jamais théorisé mais qui grosso modo décline la pensée des lumières. Chacun fait son propre tri, et comme il faut bien une base stable pour élaborer un édifice, la science est petit à petit devenue la « vérité ». Ainsi d’une croyance en la religion qui apportait des réponses aux questions insolubles, c’est la science qui de nos jour fait office de sainte Loi apportant les réponses aux failles de la connaissance Humaine. De cette glissade, la culture populaire de nos sociétés a mis en opposition Science et Foi, comme si l’une et l’autre devaient être forcément en conflit puisque l’une prend la place de l’autre.

Devant ce constat je ne peux m’empêcher de penser à tous les scientifiques chercheurs de confession religieuse : comment peuvent-ils servir deux maîtres à la fois alors que visiblement l’un exclut l’autre ?

Dans l’ouvrage « Le savant et la Foi » des scientifiques, tous plus brillants les uns que les autres dans des domaines variés (comme la géologie, la biologie, la chimie moléculaire, la physique nucléaire, la physique quantique, les mathématiques…) déclarent leur foi tout en assumant pleinement leur rôle de chercheur. Même si cet ouvrage est uniquement Chrétien (avec des chercheurs catholiques protestants et orthodoxes), je ne doute pas que les conclusions que l’on peut tirer de sa lecture vaillent pour toute Foi. Car même si chacun donne des nuances différentes relatives à sa propre Foi, il apparait qu’aucun ne voit sa Foi comme un obstacle dans son intégrité de scientifique bien au contraire, certains affirment que Science et Foi se complètent…

Que croire alors ? En 1998 le pape Jean Paul II publie l’encyclique « Fides et Ratio » qui officialise le rapport de l’Eglise à la science. Les paroles sont on ne peut plus claires : « La foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité ». Lorsque Thomas d’Aquin reprend les concepts de philosophie grecque au XIIème siècle et qu’à ce moment une intense activité issu des recherches religieuses communes aux juifs, chrétiens et musulmans vont faire revivre la pensée grecque qui permettront la renaissance beaucoup plus tard, ce sont bien les religions qui vont permettre à la science de la remettre en cause. Evidemment il y a des heurts, les positions contre les scientifiques que prendront l’Eglise ne doivent alors pas être lues comme une incompatibilité entre foi et religion, mais plutôt comme la dérive autoritariste d’une Eglise ayant déformé son rôle de défenseur de la Foi. L’Eglise à ce moment là confond la Foi avec la logique que ses autorités ont construite autour de la Foi pour faire un système global…

Il est remarquable de constater que la science aura le même comportement de négation de cet "autre" devenu gênant au XIXème siècle avec entre autres le mouvement positiviste d’Auguste Comte.

Au final, il me parait clair que Science et Foi ne portent tout simplement pas sur la même chose. Tout d’abord au niveau du « public » : la religion est bâtie pour toucher la totalité de l’humanité tandis que la science ne peut être comprise que par une toute petite minorité de scientifiques spécialistes dans leur domaine. Quel novice pourra aller vérifier les travaux scientifiques du dernier prix Nobel de médecine ? Le discours et la portée des découvertes modernes n’est que compréhensible de très peu de gens. Ensuite, les questions auxquelles l’un et l’autre répondent ne sont tout simplement pas les même ! Si la science tente de répondre au « Comment ? » la Foi elle répond au « Pourquoi ? ». L’espace et le temps ne sont que des domaines de recherche, des données objectives pour les scientifiques alors qu’elles forment le quotidien subjectif de chacun. La recherche avance et solutionne des inconnues, mais à chaque pas le scientifique se rend compte qu’une étendue encore plus vaste inconnue s’est révélée à lui. De plus les conséquences d’une avancée scientifiques ne sont dépendantes que de la volonté humaine. J’entends par là qu’une fois qu’un « comment » aura été trouvé, il reviendra à l’homme d’en définir un « pourquoi ». Lorsque la physique nucléaire est découverte, il appartient à l’home d’en déduire une source d’énergie ou une arme de destruction totale. Lorsque la chimie travaille sur les cellules souches il appartient à l’homme d’en tirer des moyens curatifs ou de développer l’Eugénisme…

Ainsi je ne vois la science et la foi ni comme antagoniste ni comme complémentaires… Ni antagonistes car elles ne traitent pas du même sujet et ne s’adressent pas au même destinataire, ni complémentaires car il appartient à l’homme de définir ses utilisations de l’une et de l’autre…

Une Bande dessinée sortie cette année illustre ce propos de façon poétique et somptueuse : il s’agit de alpha directions. Cette Bd de plus de 350 pages illustre de manière extraordinaire toute la création : du big bang à la naissance de la civilisation. Aux côtés des planches encyclopédiques montrant l’état de notre compréhension actuelle de notre histoire, l’auteur juxtapose fort justement des illustrations issues de toutes les croyances de nombreuses cultures religieuses ou athées ! Science et Foi sont ainsi juxtaposées fort adroitement sans aucune polémique avec la poésie et le rêve comme résultat. A lire pour se rappeler que la science ne doit pas devenir elle-même une croyance et qu’il nous faut perpétuellement veiller, tout en améliorant notre connaissance du « Comment », à construire notre Avenir en répondant au « Pourquoi ».

Science et Foi : la confrontation