La présidentielle propose un exercice sympathique : celui des slogans, comment concilier tant des personnes généralement d’avis divers dans un slogan à la fois accrocheur, fédérateur et marquant l’ancrage du parti associé.

L’exercice de décryptage me procure généralement de bons moments, voyons ce que nous donne ce cru de la gauche vers la droite.

Anticapitalistes : «Aux capitalistes de payer leur crise »
Slogan clair, il y a un problème, la crise, aux capitalistes de payer la crise qu’ils ont engendrés. Dans la mesure où le parti est justement anticapitaliste, cela sous-entend qu’il ne compte pas participer à la facture de sortie de crise. Evidemment nous sommes loin du slogan fédérateur, le but n’est donc pas de gagner, mais de participer. Si le candidat discret ne finit par porter une fraicheur en fin de campagne, celle-ci fut globalement laborieuse, un peu à l’image du slogan, notre candidat ne se sent visiblement pas à l’aise dans l’univers qu’il rencontre.

Lutte ouvrière : « une candidate communiste à l’élection présidentielle »
Le Slogan me semble dramatique, on voit que l’objectif était de participer, d’arriver au fait de participer. Si le mot communiste implique des jeux lexicaux forts, ce slogan demeure bien vide. Il n’y a aucune accroche permettant de montrer un programme ou une direction, à moins que le mot communiste suffise, mais dans ce cas pourquoi y a-t-il trois candidats se réclamant du communisme différent. Ce slogan me semble donc le plus loupé en raison d’une vacuité de sens et d’ambition.

Front de gauche : « Prenez le pouvoir »
Voici quelque chose qui sent bon la tradition française, le je ne sais quoi d’anarco-révolutionnaire débonnaire raisonnable. Vous êtes déçus, vous vous sentez écrasés par un univers qui n’est pas le votre : prenez le pouvoir ! Très accrocheur, le slogan ne fait pas référence directement au grand soir et se trouve nettement plus fédérateur, on est finalement loin des deux autres partis d’extrême gauche dans le discours alors qu’à priori l’idéologie reste proche. Ceci explique peut être un peu l’engouement pour ce parti, en se démarquant de discours trop sectaires on ratisse plus loin.

Verts : « Le vote juste »
Lorsque l’on sait que la candidate provient du monde judiciaire, ce slogan fait froid dans le dos. Comment peut-on envisager concrètement un tel slogan ? Il y a donc des votes justes et injustes et seul le vote vert serait le vote juste. Mais alors qu’advient il de ceux qui ne voteraient pas « juste ». Ce spectre parait franchement inquiétant, surtout lorsque l’on met en relief certaines paroles de militants écologistes parfois peu tolérants envers ceux qui ne sont pas du même avis. Ils ont la justice pour eux… Inquiétant slogan lorsque l’on sait en plus du passé judiciaire de la candidate. Les élections se suivent et se ressemblent au niveau des slogans pour ce parti politique qui décidément n’arrive pas à faire correspondre leurs idées avec un slogan fédérateur.

PS : « le changement c’est maintenant »
Lorsque l’on est favori, il faut concilier et réunir. Le PS choisit de fédérer sur le thème du changement, on se souvient qu’il s’agissait du leitmotiv il y a cinq ans de la part du président actuel. La recette a fonctionné et semble fonctionner de nouveau. Sorte de clin d’œil, on peut le croire, à l’absence de changement promise par son prédécesseur, le candidat rassemble, et à défaut de rassembler autour d’une valeur positive constructrice, il le fait autour de la négation. Cela permet aussi de surfer sur l’antisarkosisme que le président actuel a généreusement alimenté tout au long de son mandat. Ingénieux, attention toutefois à ne pas suivre le même chemin que son prédécesseur qui avait utilisé ce même thème il y a cinq ans, cette stratégie engendre beaucoup d’élan mais fournit également de grandes vague de déçus à postériori.

MODEM: « Un pays uni, rien ne lui résiste »
Franchement, j’aurais aimé louer cette tentative de rassemblement. Il s’agit du seul candidat ayant une démarche de président de la 5ème république comme on l’entendait au 20ème siècle à savoir président de tous les Français. Alors peut être est il dépassé (je parle du slogan), avec cette vision d’un président qui visiblement n’a plus la cote. Mais il faut avouer que par ailleurs le slogan ne donne pas d’aile. Résister contre qui ou quoi ? Un pays uni, douce chimère ne trouvez vous pas… Bref, la tentative était louable mais le résultat est loupé, dommage…

Solidarité et progrès : «Cheminade 2012, le sursaut ! »
Difficile de classer le personnage, conservateur dans nombre de ces propos, je choisis de le placer au centre. Si le candidat a alimenté nombre de sarcasme de la plupart des médias, il a aussi inquiété dans son passé trouble. Parti inconnu, nom inconnu, relents sectaires… A l’ancienne le candidat met son nom dans son slogan, il faut remonter dans le temps pour retrouver cette utilisation. Le sursaut, certes mais de quoi parle t’on ? Bref ce slogan à l’ancienne n’éclaircit pas le trouble autour du personnage et de ses intentions. Dommageable pour le candidat car le temps de parole ne reviendra probablement plus.

UMP : « La France forte »
Enfin un slogan qui ne se cache pas. Le message est clair le programme est fait pour la France forte. On n’aurait pu trouver slogan plus transparent et il aurait pu servir de contre slogan à l’extrême gauche tant il parait évident ! La non plus pas question de rassembler, évidemment on parle de la France mais n’importe qui pourra faire le rapprochement avec les Français. Le faible n’aura que peu voix au chapitre, tout du moins on lui conseillera certainement de devenir fort.

Debout la république : « Pour une France libre »
Slogan bateau, le candidat essaye de rappeler au vieux souvenir d’un général disparu. Nostalgie comme programme ? On pourrait croire à un jeu de mot autour d’un parti libéral assez orphelin, mais il semble n’es être rien. A moins qu’il ne s’agisse d’une France libre vis-à-vis des marchés, et dans ce cas il serait proche des candidats d’extrême gauche. Non décidément la pure nostalgie n’apporte que confusion s’il n’y a pas ne serait ce qu’une tentative d’expliquer où l’on se situe vraiment.

FN : «La voix du peuple, l’esprit de la France »
Le FN change, qu’on se le dise, fini les slogans partisans lié au culte de la personnalité sur le dirigeant, on veut en faire un parti plus respectable. Et le slogan pourrait presque y parvenir. Presque car lors de juxtapositions on peut souvent extrapoler. Dans ce cas la voix du peuple serait l’esprit de la France, certes jusque là tout va bien, là où cela se tord c’est lorsque l’on considère que le parti représente la voix du peuple et donc l’esprit de la France. Finalement d’un slogan complètement fédérateur on arrive à un slogan franchement segmentant. Car cela veut également dire que les autres voix ne représenteront pas l’esprit de la France. Le slogan ouvert ne sera donc une fois de plus pas pour cette fois ci, bien qu’une tentative indéniable de polissage ait été tentée.

Au final cette mouture s’avère décevante, la campagne s’articule autour de positions partisanes et l’on voit guère comment le futur président pourrait être celui de tous les Français, on en viendrait presque à regretter le passé…

Slogans 2012 - Décryptage