Avant de partir en Chine pour une tournée musicale il m’a semblé pertinent de lire le Tao te King.

Cet ouvrage attribué à Lao Tseu se retirant du monde est une source inépuisable de sagesse et a influencé toute une partie de la culture Asiatique. Composé de 81 courts chapitres on devine à la traduction qu’il devait avoir une portée poétique en sus de la stricte réflexion philosophique sur la « voie » en langue originale.

Avec des mots simples l’ouvrage est tout de même assez délicat à saisir et on se rend vite compte que l’apparente trivialité des mots employés masque une pensée faite d’abstractions et de concept pas toujours évident à cerner. D’autant que l’on peut être facilement troublé par des potentielles incohérences entre les différents propos suivant les chapitres. Il est même précisé dans le chapitre 70 « Mes paroles sont faciles à comprendre [...] pourtant personne au monde ne les comprend »…

Pourtant dès le début une fluidité nous prend dans la définition des concepts. Que chaque chose soit nécessaire, que tout soit une résultante d’action, que le yin et le yang se complètent et soient nécessaires l’un à l’autre devient simplement évident. Le champ lexical de l’eau m’ paru très présent. La temporalité n’est pas manquée d’être évoquée tout comme l’illusion de l’existence, le tout dans des propos souvent proches de propos chrétiens. La glorification du simple et du petit face au puissant et au cultivé, la condamnation de la guerre armée, l’éloge de l’unité : tout cela est finalement assez rassurant dans une lecture judéo chrétienne. De même on peut lire qu’il y a une liberté laissée à l’individu quant à son évolution « Il les produit, et ne se les approprie point ; il les fait ce qu'ils sont et ne s'en glorifie point ; il règne sur eux et les laisse libres. » (51). Tout au long un éloge au silence est apaisant. De plus on voit également que l’on peut toujours accéder à la rédemption : « Le Tao est l'asile de tous les êtres ; c'est le trésor de l'homme vertueux et l'appui du méchant. » (62)

On y puisera aussi quelques paroles toujours drôles pour leur impact en un nombre de mots très court comme « Si les palais sont très brillants, les champs sont très incultes, et les greniers vides » ou encore « Un arbre d'une grand circonférence est né d'une racine aussi déliée qu'un cheveu » ou enfin « Savoir et (croire qu'on) ne sait pas, c'est le comble du mérite.
Ne pas savoir et (croire qu'on) sait, c'est la maladie (des hommes). » (71)

Pourtant il est quelques points qui me chagrinent. Cela est certainement du à une étude superficielle qui ne me fait pas saisir toutes les nuances des propos.

Le premier point est une forme d’obscurantisme assez souvent énoncé dans les chapitres. On peut lire « Dans l'Antiquité, ceux qui excellaient à pratiquer le Tao ne l'employaient point à éclairer le peuple ; ils l'employaient à le rendre simple et ignorant. » (65). A Plusieurs endroits suivant la traduction j’ai senti une once de cette maladie qui a souvent guetté toute religion dans sa vie…

Le second point est le principe du non-agir :

On peut lire par exemple

« Avec la droiture, on gouverne le royaume ; avec la ruse, on fait la guerre ; avec le non-agir, on devient le maître de l'empire.
Comment sais-je qu'il en est ainsi de l'empire ? Par ceci.
Plus le roi multiplie les prohibitions et les défenses, et plus le peuple s'appauvrit ;
Plus le peuple a d'instruments de lucre, et plus le royaume se trouble ;
Plus le peuple a d'adresse et d'habileté, et plus l'on voit fabriquer d'objets bizarres ;
Plus les lois se manifestent, et plus les voleurs s'accroissent.
C'est pourquoi le Saint dit : Je pratique le non-agir, et le peuple se convertit de lui-même.
J'aime la quiétude, et le peuple se rectifie de lui-même.
Je m'abstiens de toute occupation, et le peuple s'enrichit de lui-même.
Je me dégage de tous désirs, et le peuple revient de lui-même à la simplicité. »

Tout ceci n’est pas faux car effectivement en augmentant la législation on augmente les contrevenants mais çà me fait quand même un peu penser à un ultra libéralisme qui fait confiance en une main invisible pour réguler le tout… Et ce point même à très long terme me parait vraiment à démontrer… Certes le non agir ne semble pas à la lecture du reste être l’immobilisme, toutefois il semble qu’il donne à l’humain une propension à naturellement vouloir le bien et se suivre la voie du Tao, et çà j’avoue j’en doute !

Un troisième point m’a beaucoup interrogé : l’attitude face à la peine de mort. Je n’ai pas réussi à trouver une position claire. Si le chapitre 74 indique clairement que se substituer à celui qui prend la mort n’est pas bon, d’autres chapitres tendent à penser que le peuple doit craindre le pouvoir de peur de perdre la vie. Tout en disant que le fait de craindre pour sa vie n’est pas bon… Finalement je doute toujours sur la position du tao à ce sujet ! La « crainte » que le peuple doit avoir en lui ajouté à l’obscurantisme dit en paragraphe 1 me fait de fait un peu penser au coran finalement.

Dans la globalité l’ouvrage m’a beaucoup plu et donné envie d’une part de me re-pencher sur le confucianisme et d’autre part à découvrir le Zen…

En conclusion voici un chapitre entier que je trouve particulièrement beau dans une traduction trouvable sur le net (taoteking.free.fr/interieur.php3)

Celui qui connaît les hommes est prudent.
Celui qui se connaît lui-même est éclairé.
Celui qui dompte les hommes est puissant.
Celui qui se dompte lui-même est fort.
Celui qui sait se suffire est assez riche.
Celui qui agit avec énergie est doué d'une ferme volonté.
Celui qui ne s'écarte point de sa nature subsiste longtemps.
Celui qui meurt et ne périt pasjouit d'une (éternelle) longévité

Tao Te king : De la vertu du Non-Agir