La fin du Père Noël ?

Ma Fille,

C’était un peu avant Pâques, tu es venue me voir à la maison alors que j’étais devant un écran et tu m’as demandé : « Papa, est-ce que c’est toi qui mets les cadeaux sous le sapin de Noël ?».

A ce stade, il n’y a que quelques millisecondes possibles avant de répondre et pourtant le temps semble se densifier. Tout ce qui pourrait advenir d’une réponse maladroite passe dans la tête comme autant de coups portés à la confiance que l’on espère avoir de nos enfants. Les dixièmes de secondes s’étirent en laissant au cerveau une curieuse latitude d’évaluation du champ des possibles.

Par chance j’avais ouvert une porte il y a quelques années, lorsque tu m’avais demandé pourquoi il y avait tant de Père Noël partout parfois sales, voire inquiétants, je t’avais expliqué que certains adultes aidaient le Père Noël qui ne pouvait pas être partout.

Alors comme pour gagner du temps, j’ai répondu : « tu sais ma chérie, je t’ai toujours dit que les adultes aidaient le père Noël ». Ceci m’a valu un retour immédiat : « ah ! Donc c’est bien toi qui mets les cadeaux ».

Le couperet tombait, je n’étais pas du tout satisfait, j’ai eu peur de perdre tes yeux pétillants chaque jour du calendrier de l’Avent, il fallait trouver quelque chose là, tout de suite. J’ai alors ajouté : « Oui, mais pas tous ».

C’était ce que tu avais envie d’entendre, tu t’es accrochée à cet espoir de merveilleux comme une enfant de six ans et demi. Je m’attendais à une déferlante sur les cloches, la petite souris, Saint Nicolas et autres légendes, mais curieusement tu as coupé la discussion. Les sens en éveil après cette décharge émotionnelle, j’ai entendu que tu posais une question similaire à ta mère. Bien, ma chérie, toujours contrôler l’information !

Sauf qu’évidemment, la magie du mariage ne permet pas la transmission de pensée, la réponse maternelle fut nettement différente, il fallait encore intervenir vite, je me levai et appelai mon épouse au milieu de ses pieuses tentatives en lui disant que j’avais dit à Diane que j’aidais le Père Noël en mettant une partie des cadeaux. Ouf, le scénario semblait se tenir. De mon côté j’étais serein, effectivement je mettais une partie de cadeaux mais pas tous, puisque les autres membres de la famille et amis en mettaient également.

Mais là encore, rien ne se passe comme on l’attend, je te vois venir doucement vers moi pour me chuchoter : « Maman ne savait pas, du coup la prochaine fois elle pourra en mettre aussi comme çà j’aurais encore plus de cadeaux ».

Difficile de poser des mots sur l’émotion qui m’a envahi. Je me souviens t’avoir serré dans mes bras, je venais grâce à toi de me rappeler du cadeau qui était vraiment issu du Père Noël : cette joie de donner tellement plus puissante que l’attente du recevoir. Oui ma fille, effectivement les hommes mettent les cadeaux matériels, mais j’espère que plus tard je saurais te transmettre la sensibilité pour comprendre que je ne te mentais pas lorsque je te disais que le Père Noël existe, car je crois en l’immatériel, en ce "supplément" qui fait qu’un cadeau de Noël est différent d’un cadeau. Puissions-nous garder ce trésor en famille avec ton petit frère peu importe ce qu’en disent les copains..

(Merci à Bill Watterson pour Calvin et Hobbes dont est issue cette planche)